Quelques années seulement après l’implantation de leur bureau de design, Morgane Pluchon et Sébastien Cluzel ont créé des concepts pour IKEA, Petite Friture et Pasabahçe. L’an dernier, le duo à la tête du SCMP DESIGN OFFICE s’est présenté à la Paris Design Week avec une suspension lumineuse tout à fait étonnante. Évoquant à la fois les feux de piste d’aéroport et La Bleue, cette légendaire mobylette française, ce riche prototype leur a mérité un prix à la Biennale Interieur et un partenariat avec Lambert & Fils. Morgane et Sébastien ont accepté de nous confier leurs réflexions au sujet du design français, de la typologie des objets, et de l’art de passer à autre chose.

Nous ne nous définissons pas comme des designers parisiens.

Nos influences sont diverses—il y a un peu d’inspirations suisses, puis un peu d’inspirations scandinaves. À Paris, le design que nous voyons ne correspond pas toujours à notre esthétique. Néanmoins, il est toujours intéressant de comprendre le processus des designers actuels. Il est enrichissant de s’intéresser à une vision du design qui n’est pas la nôtre.

Nous nous entourons d’objets trouvés.

Ils sont pour nous une manière de consigner nos expériences – les voyages, les expositions, la culture qui nous entoure. Quand nous tombons sur un objet qui nous émeut, nous ressentons le besoin de l’emporter avec nous et de nous questionner sur ce qui nous plait en lui, sa forme, ses matériaux, sa technique de fabrication. Nous pensions que cette façon de faire était habituelle, mais en parlant avec d’autres designers, nous avons compris que ça n’était pas si systématique. Plusieurs préfèrent un espace de création vide, sans encombre. C’est comme ça que nous avons découvert un aspect déterminant de notre personnalité : nos références nous tiennent vivement à cœur.

Il faut savoir se détacher de ses objets.

En 2016, nous avons présenté une table d’appoint à la Greenhouse Fair de Stockholm. Elle était nouvelle, c’était la première fois que nous la présentions. Un autre studio a présenté un objet assez similaire, et a reçu une offre d’une marque de design majeure. L’autre studio était un tout petit peu plus connu que le nôtre, alors nous avons vraiment eu le sentiment de voir cette occasion nous filer entre les doigts. Parfois, ça se passe comme ça quand on débute. Il faut mettre l’objet de côté et passer à un autre projet.

Un studio émergent doit se battre pour faire sa place au sein des possibilités offertes aux designers actuellement.

Quand nous lançons des produits aux côtés de studios de grande envergure, cela présente plusieurs défis. Nous n’avons pas la même visibilité médiatique. Lorsqu’un grand studio lance ne serait-ce qu’une esquisse de concept, il reçoit une attention démesurée. Les petits studios doivent travailler cinq fois plus fort, seulement pour exister.

La Dorval est née d’un exercice de style et de liberté

Nous avons d’abord conçu la lampe pour la galerie Surface, à St-Étienne. Au début, nous avons eu le sentiment d’aller trop loin. Au sein d’un jeune studio, on oublie parfois de s’attarder au contexte, au marché ou à la fonction de l’objet qu’on s’apprête à créer. Il nous a fallu nous interroger sur la typologie des objets qui nous passionnent vraiment.

Pour la présentation de la Dorval à St-Etienne, nous avons pris des photos et avons reçu quelques bons commentaires de la part d’un de nos anciens professeurs qui avait vu la lampe.  Alors nous avons décidé de la soumettre au Rado Star Prize de la Paris Design Week. C’est là que nous avons reçu une réaction très positive du milieu du design. Plusieurs personnes nous ont dit qu’ils n’avaient jamais rien vu de tel. La Dorval inspire l’amour ou la haine, peut-être parce qu’elle joue autant sur l’esthétique industrielle que domestique. Les réactions, en tout cas, étaient toujours vives.

Cette expérience nous a rassurés sur le fait que ce style était bien le nôtre. Nous nous sommes dit : cette liberté nous sied—ne nous confinons à rien.

La collection Dorval, une collaboration créative entre SCMP DESIGN OFFICE et Lambert & Fils, sera lancée en octobre 2018 à la Biennale Interieur de Courtrai, en Belgique. Pour en savoir plus sur la collaboration et sur notre nouveau luminaire, Dorval 01.

Photos : Alexandra de Cossette
Entrevue : Marie de Cossette et Alexandra Caufin